mine de plomb sur papier (mars 2019)

mine de plomb sur papier (mars 2019)

Des oiseaux de passage.

Le journal du matin est plié sur la table. 
Près de lui un mouchoir imbibé d'eau renversée plus tôt, légèrement rosé, ressemble a une fleur froisee. La tache n'est restée qu'un instant dans le bois. Le soleil s'est chargé de la faire disparaître. 
La théière tourne le dos a la tasse. 
Indifférente, elle regarde la rue. 
Entre le sel et le poivre, une seule rose rouge en synthétique se noie dans un vase étriqué. 
Dehors, les bus dansent encore et toujours, sans trêve. On les voit roulant sur du velour comme dans les rêves.
Ils jouent une mélodie que les amoureux de la terrasse ignorent, ou semblent ne pas remarquer.
L'homme sourit, elle lui caresse le visage longuement, en tendant le bras de l'autre côté de la table. Puis il se lève, l'embrasse au coin de l'oeil et s'en va. En s'adossant contre sa chaise, elle le suit des yeux. Jusqu'à ce que sa silhouette s'évapore dans la foule. 
C'est une romance sans paroles fort charmante. 
Les mots, souvent, sont superflus. 
Les regards en disent assez pour savoir où ils vont et ce qu'ils cherchent.
Une part de bonheur dans un coin secret dont ils feront leur nid.
Un endroit où ils se retrouveront après leur journée de travail. 
Ils se regarderont dans le blanc des yeux. Dans l'iris aussi.
Ils s'examineront sans rien dire. Des silences entrecoupés de sourires.
Gênés, moqueurs, emplis de désir. Puis le jour dans les bras de la nuit finira par s'évanouir.

Le gâteau sur la table se flétrit au soleil. Ils sont partis l'un après l'autre et n'ont pas pris la peine de le finir.
Les bruyants sont entrés en fanfare dans le café, avec un caddi chargé de journaux et de fleurs.
           
Sortie avec fracas,
Puis soudain plus rien.

Comme des oiseaux de passages, certains ont piaillé, d'autres pas.

© 2019 Garance Monfort

Retour à l'accueil